Dupond-Moretti dévoile 60 mesures pour remédier aux "lenteurs" et "complexités" de la justice
Délai de traitement des procédures civiles réduit, code de procédure pénale simplifié ou moyens budgétaires accrus: Eric Dupond-Moretti a dévoilé jeudi une soixantaine de mesures pour répondre aux attentes formulées pendant les huit mois de consultations des Etats généraux de la Justice, lancés fin 2021.
"Que nous ont dit nos concitoyens ? D'abord que la justice était trop lente, ensuite qu'elle était trop complexe", a affirmé le garde des Sceaux lors d'une conférence de presse à Paris, en présentant un "plan global" qui a, selon lui, pour "objectif principal de simplifier les procédures existantes".
Arrivé place Vendôme à l'été 2020, l'ancien avocat a promis que cet arsenal de mesures, qui ambitionne de "diviser par deux" les délais de traitement au civil et de réécrire intégralement la procédure pénale, ne conduirait pas à une "inflation normative" synonyme "d'insécurité juridique" pour les professionnels.
Face à cette crise latente, le ministre a promis un projet de loi de programmation et d'orientation qui sera déposé au printemps pour "sanctuariser" les promesses d'embauche de 10.000 fonctionnaires de justice d'ici à 2027 -dont 1.500 magistrats- et atténuer le "sous-formatage chronique des effectifs" relevé dans le rapport de synthèse des Etats généraux.
"Nous avons fait beaucoup, mais il reste beaucoup à faire", a estimé le ministre, rappelant les hausses budgétaires obtenues depuis son arrivée à la Chancellerie à l'été 2020 (+24%) et promettant de porter l'enveloppe allouée à la Justice à "près de 11 milliards d'euros" en 2027 contre 9,6 milliards actuellement.
En cumulé sur cinq ans, cet engagement représente une enveloppe supplémentaire de 7,5 milliards d'euros que la Chancellerie met en regard des quelque 2 milliards consentis sous les quinquennats Sarkozy comme Hollande.
- "Changement de logiciel" -
Sur le fond, Eric Dupond-Moretti a appelé à un "véritable changement de logiciel pour la justice civile", qui représente 60% de l'activité judiciaire (divorces, litiges entre particuliers...) mais connaît, selon le rapport des Etats généraux, un "lent déclassement".
"L’augmentation des stocks, l’allongement des délais, la baisse du nombre de juges civilistes ne permettent plus de trancher les litiges de façon satisfaisante", avait conclu le rapport des Etats généraux remis au chef de l'Etat en juillet.
Pour réduire les délais (actuellement deux ans en moyenne), le ministre veut notamment introduire deux mécanismes qui permettront, selon lui, de développer "une culture de l'amiable".
Il entend notamment créer une "audience de règlement amiable" qui permettra à un juge de jouer, très en amont, un rôle de "conciliateur" en réunissant les parties au tout début de la procédure pour tenter de trouver un accord qui devra ensuite être homologué.
Evoquant par ailleurs un "défi sans précédent", le ministre a également lancé le chantier de refonte du code de procédure pénale qui est devenue, selon le rapport des Etats généraux, "excessivement complexe (et) illisible".
Selon l'ancien avocat pénaliste, cette refonte se fera en grande partie à "droit constant" mais se traduira aussi par des évolutions sur le sujet inflammable du cadre régissant les enquêtes judiciaires.
Cette refonte prévoit une "simplification des cadres d'enquête tant voulue par nos forces de sécurité, que nous avons consultées", a déclaré le ministre sans donner plus de détails.
Autre sujet potentiellement polémique, le gouvernement entend, pour mener à bien cette réécriture, légiférer par ordonnance et éviter ainsi la procédure législative ordinaire.
S'agissant des prisons, où la surpopulation vient de battre des records pendant deux mois d'affilée, le ministre a préféré mettre en avant les réformes existantes, le plan de construction en cours de 15.000 places de prison et ses mesures tendant à éviter la récidive.
"On a une vraie politique en ce qui concerne la réinsertion", a assuré le ministre.
C.Blake--TNT