Crise des opiacés: le distributeur AmerisourceBergen visé par une nouvelle plainte
Le ministère américain de la Justice a porté plainte jeudi au civil contre le géant pharmaceutique AmerisourceBergen, accusé de fermer les yeux "jusqu'à aujourd'hui" sur des prescriptions illégales de médicaments et de continuer à alimenter la crise des opiacés.
Aux Etats-Unis, une loi fédérale oblige les distributeurs de médicaments à signaler les commandes suspectes, susceptibles d'alimenter des trafics illicites, a rappelé la ministre adjointe Vanita Gupta lors d'une conférence de presse.
"De 2014 jusqu'à aujourd'hui, AmerisourceBergen et deux de ses filiales ont violé cette obligation pour des centaines de milliers de commandes", a-t-elle poursuivi, en estimant que l'entreprise pourrait être condamnée à verser des milliards de dollars de pénalités.
Selon la plainte, l'entreprise a ignoré des informations troublantes sur cinq pharmacies aux volumes de commandes exorbitants, notamment de médicaments antidouleur aux opiacés très addictifs. Elle aurait ainsi continué à livrer une officine de Floride jusqu'en décembre 2019, bien qu'un de ses employés eut rapporté que des clients se livraient à des trafics sur son parking.
Selon le procureur fédéral du New Jersey, AmerisourceBergen ne s'est pas contentée de fermer les yeux face aux signaux d'alerte: "la plainte soutient qu'elle a volontairement modifié ses programmes de surveillance électronique pour faire en sorte que les signalements à l'agence anti-drogue (DEA) chutent de 99%", a noté Philip Sellinger.
En conséquence, l'entreprise n'a, selon lui, adressé que 350 signalements à cette agence en 2017 contre 200.000 et 40.000 effectués par ses deux principaux concurrents.
La compagnie "a donné la priorité à ses profits plutôt qu'à ses obligations légales et au bien-être des Américains", a estimé Vanita Gupta.
Dans un communiqué, AmericasourceBergen a estimé que cette plainte "était simplement une tentative pour faire porter la responsabilité des administrations passés et de la DEA" dans la crise des opiacés "aux industries qu'elles régulent".
Laboratoires et distributeurs pharmaceutiques sont accusés d'avoir, à partir de 1996, fait la promotion agressive d'antidouleurs aux opiacés comme l'oxycodone, qui ne peuvent être délivrés que sur ordonnance.
Leur dangerosité a éclaté au grand jour au milieu des années 2010 avec une explosion des overdoses liés aux opiacés, qu'il s'agisse de médicaments prescrits revendus sur le marché des drogues illégales, ou de drogues de synthèse comme le fentanyl.
Environ 600.000 personnes en sont mortes en 20 ans.
De nombreux accords ont été conclus ces dernières années pour mettre un terme à l'avalanche de poursuites engagées contre les acteurs du secteur. AmerisourceBergen a ainsi accepté en février de verser 6,1 milliards de dollars dans le cadre d'un accord conclu avec des Etats et collectivités locales.
W.Phillips--TNT