Après le covid, l'inflation: pas de cadeau de Noël pour les pubs britanniques
Au pub Mad Hatter ("Le chapelier fou"), tout est prêt: l'énorme sapin, les guirlandes lumineuses et dorées. Sur le bar trônent deux ardoises où l'on lit: "venez fêter Noël chez nous!" et "on est tous fous ici!", comme un argument de vente.
Mais si le ton est léger, l'humeur l'est moins. Décembre est un mois crucial pour le secteur et pèse 10% du chiffre d'affaires annuel, entre les fêtes de Noël des entreprises - une institution au Royaume-Uni - et les agapes en famille ou entre amis.
Après deux ans de pandémie et de festivités gâchées, le secteur compte sur la saison qui s'ouvre pour se refaire.
Mais entre la crise du coût de la vie, les grèves pour le pouvoir d'achat et les pénuries de travailleurs, rien n'est moins sûr.
"Décembre représente normalement 2,3 milliards de livres de recettes", mais "malheureusement, les réservations sont pour l'instant 20% en dessous du niveau de 2019", avant la pandémie, explique à l'AFP Emma McClarkin, la présidente de la fédération sectorielle, la British Beer and Pub Association (BBPA).
Environ 50 pubs par mois mettent la clé sous la porte, bien plus que pendant la pandémie, quand les aides gouvernementales maintenaient sous perfusion les entreprises.
Le paysage est toutefois contrasté. La chaîne Marston's, qui compte plus de 1.400 pubs, décrit des réservations pour Noël "encourageantes" et pour l'instant supérieures à leur niveau de 2019.
La coupe du monde a dopé ses ventes les jours où l'Angleterre joue mais l'entreprise craint une année 2023 difficile, alors que le pays se prépare à la récession.
L'opulente City, coeur financier de Londres, ignore superbement la crise.
Au pub The Globe, la bière et le vin coulent à flots, et les fêtes de Noël se succèdent, d'après le gérant.
Les budgets peuvent défier la gravité: près de 20.000 livres dépensés dans un bar à vin du quartier pour une seule "office party" (fête de bureau), raconte un serveur, qui refuse d'être identifié.
- Consommation en baisse -
Mais à quelques kilomètres plus au nord, dans le quartier animé de Camden, le petit bar à cocktails Crossroads constate une baisse d'activité.
"Nous avons dû augmenter nos prix en octobre" face à la hausse des coûts, mais "nos recettes sont stables", explique le gérant Bart Miedeksza. "Nos habitués passent autant de temps chez nous mais consomment moins".
Malgré la serveuse qui passe régulièrement pour enlever les verres vides et proposer, tout sourire, de nouvelles boissons.
Encore un peu plus au nord, dans le quartier bourgeois de Hampstead, "les données sont pour l'instant comparables à 2019" en termes de réservations, mais "l'environnement économique est difficile. Nous subissons l'inflation, particulièrement pour le beurre, l'huile de cuisson, depuis la guerre en Ukraine", constate Jonathan Perritt, co-propriétaire du Stag.
L'inflation atteint 11% au Royaume-Uni et jusqu'à 60% pour certaines denrées alimentaires de base comme l'huile de cuisson ou les pâtes, compressant les budgets des clients et les marges des établissements.
Le Stag s'adapte: "beaucoup de nos clients travaillent à l'hôpital juste à côté. Ils ont un budget serré et nous proposons des offres aussi abordables que possible, comme un menu de Noël avec plat unique à 20 livres par tête".
Et il n'est pas possible de tout reporter sur le client: "nous ne sommes pas un restaurant étoilé. Il y a un niveau de prix au-dessus duquel on ne peut pas monter", ajoute M. Perritt.
Au Mad Hatter, John Paul Caffery est attablé avec l'un de ses employés.
Il a prévu une fête de Noël pour la plateforme de recrutement qu'il a fondée mais "c'est nettement plus cher que l'an passé", alors "nous avons réservé un endroit qui propose une offre à prix fixe".
"Au sortir du Covid-19, on veut profiter de la vie, mais en même temps on est obligé de faire attention à son budget", renchérit Christopher Jones, urbaniste gallois de 54 ans en voyage d'affaires.
Il organise une petite fête pour ses collègues et clients dans dix jours, dans son pub habituel, où la pinte a pris 1 livre d'un coup et coûte désormais 4,40 livres (5,12 euros).
F.Adams--TNT