Brésil: Haddad le dauphin de Lula devenu ministre des Finances
Fernando Haddad, ancien maire de Sao Paulo, défait par Jair Bolsonaro au second tour de la présidentielle de 2018 et qui a enchaîné les défaites cuisantes, rebondit au poste hautement stratégique de ministre des Finances du 1er gouvernement Lula.
Le président élu de gauche a décidé de nommer ce proche, homme de confiance, malgré les réticences des milieux d'affaires qui le jugent trop à gauche et auraient préféré un économiste prônant la rigueur budgétaire.
Mais Haddad, professeur de sciences politiques de 59 ans, avait d'autres ambitions : à la veille des élections générales d'octobre les sondages le donnaient favori de l'élection au poste de gouverneur de Sao Paulo.
Mais cruelle désillusion au soir du 1er tour : il se trouvait largement distancé par le bolsonariste Tarcisio de Freitas pour finalement s'incliner assez nettement au second (55%-45%).
Lula a tout de même tenu à remercier chaleureusement celui que beaucoup voient comme son dauphin potentiel, lors de son discours de victoire.
"La campagne d'Haddad a été fondamentale pour qu'on en soit là ce soir", a-t-il lancé à la foule en liesse sur l'emblématique avenue Paulista.
Dans cet Etat de Sao Paulo, le plus riche et le plus peuplé du pays, Lula a limité les dégâts au second tour par rapport à ce que lui prédisaient les sondages, obtenant 45% des voix, comme Haddad face à Freitas.
Il y a quatre ans, ce fils d'immigrés libanais avait été propulsé au devant de la scène bien malgré lui, devenant candidat à la présidence à trois semaines du scrutin.
Simple colistier de Lula sur le ticket présidentiel, Fernando Haddad a dû le remplacer au pied levé pour affronter Jair Bolsonaro en 2018. Devenu inéligible, l'ex-président (2003-2010), favori des sondages, était alors incarcéré pour corruption et a dû jeter l'éponge.
Et même après être monté dans le train en marche, Haddad, peu connu dans le pays, a obtenu un score plus qu'honorable.
"Personne ne pensait que j'arriverais au second tour. J'ai obtenu 29% des voix (...) donc je trouve qu'en un mois nous avons fait un beau travail", avait alors déclaré à l'AFP celui qui n'était crédité que de 4% des intentions de vote au départ.
Au 2e tour, il a rassemblé sur son nom 45% des voix, et Bolsonaro a fini par s'imposer en toute logique, avec 55%.
- Déconfiture -
Avocat de formation, Fernando Haddad est vu au Brésil comme un intellectuel mesuré, à des années-lumière du style de l'ancien métallo proche du peuple qu'est Lula.
Souriant, affable, les cheveux châtains légèrement grisonnants soigneusement peignés, il est parfois surnommé "Haddad tranquilao" (Haddad relax) en raison de sa sérénité à toute épreuve, loin de la fougue de son mentor.
"Je ne suis pas une personne anxieuse, j'attends que les choses se passent pour prendre mes décisions. Je suis un être politique, dans le sens où je participe à la vie publique depuis que je suis étudiant", avait-il affirmé fin 2016 au journal espagnol El Pais.
Il fait pratiquement toute sa carrière politique dans l'ombre de Lula, qui l'a nommé ministre de l'Éducation en 2005.
En 2012, ce père de deux enfants marié depuis 30 ans à une dentiste était loin d'être favori pour l'élection municipale de Sao Paulo, la plus grande ville d'Amérique du Sud, mais l'icône de la gauche l'a soutenu à bout de bras jusqu'à la victoire finale.
Quatre ans plus tard, cependant, il a subi une défaite cuisante dès le premier tour quand il briguait sa réélection, n'obtenant que 17% des voix.
À l'époque, le PT avait subi une déconfiture monumentale aux municipales, quelques mois après la destitution controversée de la présidente Dilma Rousseff, dauphine de Lula (2011-2016), pour maquillage des comptes publics.
Plusieurs membres du PT commençaient également à être rattrapés par les affaires de corruption, notamment Lula.
Haddad lui-même a été inquiété par la justice. Il a été mis en accusation pour des faits présumés de corruption liés à sa campagne pour les municipales de 2012, mais l'affaire a finalement été classée sans suite en 2019.
T.Hancock--TNT