The National Times - Crise aviaire: les fermiers élèvent des canes, moins rentables pour le foie gras

Crise aviaire: les fermiers élèvent des canes, moins rentables pour le foie gras


Crise aviaire: les fermiers élèvent des canes, moins rentables pour le foie gras
Crise aviaire: les fermiers élèvent des canes, moins rentables pour le foie gras / Photo: © AFP

Pénurie de foie gras en vue pour les fêtes à cause de la grippe aviaire: faute de canetons, les éleveurs du Gers gavent des canes, mais elles prennent moins de poids que les mâles et sont donc moins rentables.

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Bien qu'il gave des canards depuis 1998 à Sarrant, au coeur des plaines vallonnées du Gers, Jacques Candelon n'avait jamais été contraint d'élever majoritairement des femelles. Cette année, la grande majorité de son cheptel de 26.000 palmipèdes est constitué de canes.

Les vagues successives d'influenza ou grippe aviaire sont passées par là: 16 millions de volailles ont été abattues entre novembre 2021 et juin 2022. Les couvoirs ont été décimés dans l'ouest de la France, principal pourvoyeur de canetons mâles.

"Cela nous oblige pour la première fois depuis qu'on existe à élever et gaver des canes cette année", affirme cet agriculteur de 52 ans, patron de l'entreprise Paysans gersois, qui assure l'élevage des canetons jusqu'à la transformation de foies préparés, en passant par la vente de canards vivants prêts à gaver.

Jusque là, les femelles étaient éliminées à la naissance et seuls les mâles étaient élevés.

- Valoriser le produit -

"On a 80% de canes sur la période en élevage, et c'était ça ou rien, pour pouvoir faire tourner nos outils de production, on a fait ce choix", explique M. Candelon, vêtu d'une combinaison bleue de protection, afin d'éviter toute contamination des animaux.

Parier sur les femelles pour limiter les dégâts faisait figure d'unique option aussi pour Benjamin Constant, président de l'association gersoise pour la promotion du foie gras et de l'aviculture.

"C'était à quitte ou double, mais soit on ne faisait rien et on attendait, ce qui n'est pas dans notre ADN, soit on tentait de valoriser un produit à 100% en respectant le consommateur", explique-t-il à l'AFP.

"Il y a toutefois une partie non négligeable qui ne peut pas être du foie frais, ce qui pénalise un maillon de producteurs: ceux qui vont sur les marchés", souligne-t-il.

Les foies de femelles ont en effet la spécificité de laisser apparaître des veines dans "20 à 40% des cas", ce qui les rend moins attrayants à l'état frais, et requiert "deux fois plus de travail" pour leur conservation, selon Jacques Candelon.

Sur le marché au gras de Samatan, entre Auch et Toulouse, les affaires se font chaque lundi matin: un coup de sifflet retentit, les portes s'ouvrent et les clients envahissent les allées entre les étals, en quête de foies frais.

- Goût similaire -

Mais cette année, l'apport est divisé par six: à un mois des fêtes, seulement 200 kg de foie, en comptant les canes, sont à la vente contre plus d'une tonne habituellement.

"On ne gavait traditionnellement pas du tout les femelles parce qu'il y a un gros dimorphisme sexuel: elles sont beaucoup plus légères que les mâles et les résultats en foie au gavage sont bien inférieurs et de qualité visuelle bien moindre", précise Didier Villate, vétérinaire qui officie depuis une quarantaine d'années sur le marché de Samatan.

Devant des foies plus petits et parfois barrés par une longue veine, certains acheteurs froncent les sourcils.

"Ils sont étonnés, il y a un gros effort de communication à faire pour informer les consommateurs que ça ne représente aucun danger. C'est seulement un effet visuel, on peut les acheter et les consommer sans difficulté", assure M. Villate.

Si "le goût reste le même", le prix grimpe en flèche, mâles et femelles confondus: le foie frais s'échange entre 55 et 60 euros le kilo, "15 à 20 euros de plus" que de coutume selon Benjamin Constant, qui parle d'une "année 2022 catastrophique pour la filière".

V.Bennett--TNT