La difficile reconversion des petites stations de ski des Pyrénées
Menacées par le manque de neige dû au réchauffement climatique, trois petites stations de ski des Pyrénées-Orientales se sont associées pour développer des activités toute l'année, mais leur projet est pointé du doigt par la Chambre régionale des comptes et des écologistes.
Du télésiège qui monte à 2.500 mètres d'altitude, jusqu'à la très convoitée neige naturelle, Eric Charre, directeur du projet baptisé "Trio", montre la partie basse de la station de Porté-Puymorens: là, pas un flocon en ce début janvier.
Mais la société publique, qui compte aussi les stations du Cambre d'Aze et de Formiguères, a "déjà permis de maintenir l'activité" sur les trois sites, assure-t-il, décoiffé par le vent glacé qui dévale les pistes, près desquelles sont posés des canons à neige.
"Maintenant, on nous demande d'accélérer la diversification et on va prouver chaque année qu'on l'accélère", ajoute-t-il. Autour de lui, les skieurs sautent rapidement du télésiège pour se lancer dans la descente.
Outre des restaurants, des boutiques, de la randonnée ou du vélo en montagne, la diversification doit inclure d'autres propositions valables en toute saison, afin de ne pas miser que sur la neige, de moins en moins présente. Elles restent encore à définir.
"On travaille en ce moment avec les équipes" pour mettre en place ces "activités de pleine nature, mais le choix définitif n'est pas encore fait", précise à l'AFP Hermeline Malherbe, présidente PS du conseil départemental, principal actionnaire de la société publique locale (SPL) Trio.
- Pénurie d'eau -
En attendant, la Chambre régionale des comptes a jugé "fragile" l'actuel "modèle fondé sur des recettes majoritairement issues du ski alpin", compte tenu des "conditions climatiques attendues" pour les trois prochaines décennies.
D'autant, estime-t-elle dans un rapport daté de décembre, qu'au manque d'enneigement s'ajoute la pénurie d'eau qui pourrait rendre problématique la production de neige artificielle dans ce département, le plus touché en France par la sécheresse.
De ce fait, ce projet "innovant et ambitieux pour repenser le tourisme en montagne catalane au XXIe siècle" risque de "se trouver rapidement en déficit, sans recette suffisante liée à l'activité estivale, condition nécessaire pour une transition vers un modèle quatre saisons". Selon la Chambre, Trio doit "revoir son plan d'affaires".
"On a beau proclamer partout qu'on va faire du quatre saisons, l'essentiel de l'argent public investi concerne (...) des installations destinées au ski alpin", fustige David Berrué, porte-parole local d'EELV, montrant, depuis une montagne proche, l'absence de neige naturelle autour de Cambre d'Aze.
"Les millions d'euros mobilisés pour changer des télésièges pourraient l'être pour la reconversion de quelques milliers d'emplois sur le territoire", hors ski, ajoute-t-il.
- "Ecolo-extrémistes" -
Un point de vue que ne partage certainement pas Mme Malherbe: "La volonté d'un certain nombre d'extrémistes et parfois, je dirais, d'écolo-extrémistes, est de mettre la montagne sous cloche".
"Nous, on est dans une vision écologique d'adaptation au changement climatique, sur une ligne de crête entre la régression - le +je veux revenir en arrière à tout prix+ - et un autre extrême qui est le déni du changement climatique", ajoute-t-elle.
"On a la volonté de s'adapter, tout en continuant à vivre dans nos montagnes catalanes, avec des emplois et des services publics, pour accueillir un certain nombre de personnes, été comme hiver", affirme encore la présidente de ce département frontalier avec l'Espagne.
Or, note M. Berrué, "on peut toujours imaginer faire des luges d'été, des centres aqualudiques ou des parcours acrobranches dans des stations de ski", mais "aucun dispositif de tourisme quatre saisons ne pourra ramener autant d'argent que le ski. Il faut préparer le territoire à cette situation".
"Le ski va s'arrêter, c'est inéluctable, ajoute-t-il, estimant qu'"il faut entretenir les installations existantes tant qu'on pourra et arrêter de moderniser ou de remplacer des équipements qui risquent de ne pas être amortis et d'aggraver l'endettement des collectivités".
N.Johns--TNT